COVID-19, les arsouyes en quarantaine

Divulgâchage : Une fois qu’on se penche sur les données scientifiques autour de la pandémie du COVID-19, on ne peut que constater son inéluctabilité et l’importance de prendre des mesures rapidement pour freiner sa propagation et sauver des vies. On a donc décidé de réagir et de communiquer.

Mis à part si vous venez d’une réalité alternative, ou d’un futur assez lointain pour l’avoir oublié vous avez déjà une idée de ce dont on va parler aujourd’hui…

Imagerie par microscope électronique a balayage du SARS-CoV-2, en jaune, émergeant d’une cellule. wikipedia

Bref rappel quand même : Fin décembre 2019, un nouveau virus – le SARS-CoV-2 – est apparu en Chine. Il s’est ensuite répandu un peu partout, dont en en France le 24 janvier 2020. Suivant une progression logistique on y recensait 2876 cas le 12 mars 2020. Les élections municipales du 15 mars sont maintenue mais les écoles seront fermées dès le lendemain.

Plus proches des arsouyes, au 12 mars, l’Occitanie recensait 133 cas, dont 65 dans l’Hérault. Les écoles des villages qui nous entourent sont déjà fermées depuis jeudi 11 mars (la nôtre, pourtant dépendant du même collège, est restée ouverte, cherchez l’erreur).

Quel est le problème ?

Après tout, on traverse chaque année plusieurs pandémies virales et on n’en fait pas toute une histoire. Si on compare les points épidémiologiques de Santé Publique France pour la Grippe (10/03/2020) et pour le COVID-19 (10/03/2020), on dénombres 809 admissions en réanimation pour la grippe (et 83 décès) contre « seulement » 102 pour le COVID-19 (et 44 décès).

Décès survenus en réanimation, ce nombre ne comprend donc pas les décès dus à la grippe survenus ailleurs (domicile, EHPAD, …), qu’on ne dénombre d’ailleurs plus.

Incidence du COVID-19 en France le 10 mars 2020, carte de Santé Publique France
Pandémie grippale 2019-2020, carte de Sante Publique France

C’est grave, la mortalité

Le premier problème viens du taux de mortalité bien plus important pour le COVID-19 par rapport à la Grippe…

Pour la Grippe, si on se base sur les information de l’institut pasteur, elle « touche, en France, entre 2 et 8 millions de personnes et est responsable de 10000 à 15000 décès », soit un taux de mortalité entre 0,12% et 0,75%.

Pour le COVID-19, l’épisode n’étant pas terminé, on est restreint à des estimations via les deux ratios suivants :

On peut calculer ces taux via les données de Wikipedia. Je vous met ici un tableau avec celles du 12 mars 2020 à 11h17. La France n’ayant, pas assez de cas et depuis trop peu de temps, les taux français ne sont pas statistiquement significatifs. Il faut plutôt se baser sur ceux de l’Italie puisqu’on suit une dynamique équivalente et qu’on a des pays plutôt proches. On peut aussi utiliser ceux de la Chine vu le nombre de cas.

Cas Borne Inf. Borne Sup.
Monde 134040 3,71 % 6,2 %
France 2876 2,12 % 83,56 %
Italie 15113 6,72 % 44,68 %
Chine 80813 3,92 % 4,80 %
Corée du Sud 7869 0,84 % 16,54 %

Globalement, ça nous donne un taux qui converge autour de 4%, pas super enthousiasmant. Si vous prenez les données par tranche d’âge – je fait les calculs avec le bilan de Santé Public France – c’est plutôt bon signe pour les arsouyes (0% pour nos enfants, 0,5% pour nous) mais vachement moins sympa pour nos aînés (6% pour les plus de 65 ans, et 9,6% au delà de 75 ans).

Vous trouverez des taux équivalents dans d’autres études parues dans la presse (i.e. science et avenir).

Si vous regardez les données plus en détails, vous observerez aussi certains pays qui s’en sortent mieux… La Corée du Sud par exemple, comparable à nous en nombre de cas (8000, soit la moitié de l’Italie, ou le triple de la France), a un taux entre 0,84% et 16,54%. Pourquoi ?

  1. Parce qu’en France, on en est au début et le taux n’est pas encore fiable, il va bouger et on verra ensuite à quoi s’en tenir,
  2. Parce qu’en Italie (et en Chine), les structures médicales ont été débordées et les soignants en sont à faire des choix de vie ou de mort,
  3. Parce que la Corée du Sud a déjà vécu des pandémies et, sachant ce qu’elle risque, a mis en place les mesures rapidement pour, justement, ne pas être débordée.

Donc, en gros, tant qu’on reste dans nos capacités de soin, on peut réduire la mortalité autour de 1% (voir moins, comme la grippe). Mais si on se laisse déborder, ça va passer à 4%.

L’objectif est donc simple, ralentir la progression du virus dans la population pour que le nombre de malades à traiter (20% des malades puisque dans 80% des cas, la maladie est bénigne) ne dépasse pas les capacités d’accueil.

C’est rapide, l’infection

Un virus, c’est peut être le truc le plus bêtement simple qui existe. C’est un minuscule sac qui traîne sans volonté avec des petits récepteurs partout. Lorsqu’ils touchent une cellule compatible, elle s’ouvre pour le laisser entrer. Une fois dedans, il délivre son contenu : des brins d’ARN ou d’ADN (ça dépend des virus) qui vont détourner le fonctionnement normal de la cellule en lui faisant fabriquer plein de copies du virus que la cellule va ensuite libérer.

Imagerie par microscope électronique a balayage du SARS-CoV-2, en jaune, émergeant d’une cellule. wikipedia

Comme toujours avec la machinerie cellulaire, des erreurs de copies sont fréquentes. Lorsqu’elles surviennent sur une partie de code inutile, ça n’a pas d’influence. Si c’est sur une partie importante, la copie peut ne plus être efficace mais parfois le virus gagne une nouvelle fonctionnalité (i.e. infecter une autre espèce qu’initialement).

On utilise un principe équivalent en algorithmique génétique, chaque « brin » correspond à une solution du problème et après sélection des brins les plus performants d’une génération, on effectue une reproduction pour obtenir la génération suivante. L’idée est que ce brassage génétique et ces mutations permettent de modifier les solutions trouvées et avec de la chance de trouver la meilleure.

Le temps que le système immunitaire se rendent compte que des cellules font n’importe quoi, elles sont déjà très nombreuses et il est, au début, submergé, les organes touchés marchent alors de moins en moins bien…

Si le système immunitaire ne produit pas assez de défense, ou si les organes sont trop gravement endommagé, c’est la mort. Soit que le virus est trop puissant, soit le corps trop fragile.

D’un point de vue évolutionniste, cette situation n’est pas à l’avantage du virus car un corps sain porteur du virus favorise bien mieux sa diffusion qu’un cadavre. Même si des pandémies peuvent causer un très grand nombre de morts, les virus laissent toujours des vivants derrière eux.

Illustration du système immunitaire dans la série « Il était une fois la vie »

Pour les virus qui causent beaucoup de dégâts dès leur première infection, on a inventé les vaccins. On prend le virus dont on veut se défendre, on l’affaibli (e.g. on le découpe, on le fait muter, on garde que l’enveloppe, …) et on l’inocule. Le système immunitaire peut alors prendre le temps d’apprendre puisque l’infection sera bénigne et lorsque de la véritable infection, il sera préparé, sa réponse sera plus rapide et efficace.

Mais il faut du temps pour concevoir et fabriquer un vaccin. Sans parler du défi technique pour le fabriquer (on travaille à une échelle atomique, c’est pas comme changer un filtre à huile)… Il faut que la version obtenue soit assez affaiblie pour ne pas générer d’effets secondaires (ou carrément lancer une épidémie, ça serait dommage) tout en restant assez proche de l’original pour que la réponse apprise soit compatible…

Pour le SARS-CoV-2, on n’espère pas de vaccin opérationnel avant 6 mois (soit septembre 2020). Et on ne dispose pas de ce délais.

Et ça n’est pas la faute des chercheurs qui ne trouveraient pas assez vite. C’est que certaines choses prennent du temps. Prenez la fabrication des enfants ; vous pourrez y mettre tout le budget et les moyens que vous voudrez, s’ils sortent avant 9 mois, c’est prématuré, avant la 27ème semaine, 20% décèdent, avant la 23ème, aucun ne survit.

Sans rien changer, avec une progression moyenne de 20% chaque jours, on atteint le million de cas dans 30 jours, nécessitant 200000 hospitalisations. 40000 décès en étant optimiste parce qu’avec ce nombre de malades, le système de santé n’existe plus.

C’est difficile, l’incubation

En parallèle, il faut également du temps pour nous rendre compte de l’infection. Pendant cette période d’incubation (le virus est là, il se développe, mais on s’en rend pas encore compte), nous sommes déjà contagieux. Une partie des copies de virus infectent nos cellules, d’autres sont disséminées autour de nous pour poursuivre l’infection chez d’autres personnes.

Pour enrayer une épidémie, il faut donc éviter tout contact entre un porteur du virus et une personne saine. Une pandémie n’étant qu’une très grosse épidémie qui se propage sur plusieurs pays. Elle n’est pas forcément plus grave, elle touche simplement plus de monde.

Pour le SARS-CoV-2, ce délai d’incubation varie de 2 à 14 jours, ce qui pose quelques problèmes…

  1. Pour enrayer la diffusion, il ne suffit pas de mettre le malade en quarantaine, il faut aussi trouver toutes les personnes avec qui il a été en contact, et celles avec qui elles ont été en contact aussi car elles peuvent être porteuses du virus.
  2. Il est impossible de connaître le nombre de personnes porteuses du virus un jour donné. Le nombre de cas recensés correspond aux malades. Les autres, qui contracteront des symptômes ne sauront que dans quelques jours qu’ils étaient porteurs et ne seront donc comptabilisés que ce jours là.
  3. Toute action entreprise pour enrayer la diffusion (i.e. fermer les écoles ou mettre un pays en quarantaine) ne sera visible qu’après ce délais d’incubation puisque les malades comptabilisés dans l’intervalle ont été infectés avant la mesure…
Un peu comme naviguer dans le brouillard… KELLEPICS @ pixabay

Pour revenir aux arsouyes, et à la France parce que je vous sens concernés depuis un moment…

  1. Le nombre de cas est trop grand pour établir des listes de quarantaine, il faut passer au niveau supérieur et traiter des zones géographiques complètes.
  2. En utilisant des modèles statistiques, on obtient une fourchette de porteurs entre 50000 et 300000, si on se dit qu’on a 9 jours de retard sur l’Italie, on a presque 20000 porteurs qui seront déclarés d’ici là.
  3. Les fermetures d’écoles ayant eu lieu localement depuis le 11, la progression du virus va continuer pendant encore une semaine. Les élections de dimanche et la fermeture globale des écoles de lundi ne se verront dans les décomptes que dans deux semaines.

Exemple avec la directrice de l’accueil de loisir du Crès. Entre la déclaration le 8 mars et son infection, il a pu se passer jusqu’à deux semaines pendant lesquelles elle a pu transmettre le virus à des enfants du village. De leur côté, ils ont pu le transmettre à leur famille, dont leurs aînés aux collèges et lycées, et à leur tour à leurs amis, donc d’autres familles. Sans parler des parents et leurs collègues de travail (voir leur clients suivant les professions). Sans surprise, le Préfet à préféré fermer les lieux d’accueil du Crès le 10 mars, pour finalement fermer ceux de 16 communes le lendemain.

Quoi qu’on fasse d’ici là (puisque tout ce qu’on fera ne se verra dans les décomptes que 10 jours plus tard), on peut tabler sur 20% de croissance chaque jour, soit 5000 cas lundi 16/03/2020 et passer la barre des 10000 vendredi 20/03/2020. Soit 2000 hospitalisations et 400 décès.

Comme il s’agit du seuil atteint lorsque l’Italie a mis son pays sous quarantaine, la France devra se mettre en quarantaine pour une raison toute simple… Qui croira le gouvernement lorsqu’il nous dira « Mais puisqu’on vous dit que ça va baisser ce week–end » ? Même s’ils ont raison (seul l’avenir nous le dira), plus personne ne voudra prendre de risque…

En comparaison, la Chine a mis ses premières villes en quarantaine avec 400 cas déclarés le 22 janvier et toute la région (qui compte autour de 45 millions d’habitants) avec 1000 cas le 23 janvier…

La France va donc vers la quarantaine d’ici une semaine, sans surprise. Elle se laisse un peu de temps pour la préparer…

Mesures des arsouyes

Lorsqu’on a pris connaissance de l’ampleur du problème et des enjeux, on ne peut pas continuer sans changer nos habitudes…

Même si le gouvernement se donne quelques jours pour préparer la quarantaine, chez les arsouyes, on a décidé qu’on avait pas besoin de délai et qu’on allait agir de manière responsable au plus tôt en évitant de participer à la propagation.

Mis à part les déplacements annulés, ça ne nous change pas beaucoup du mois de février… avec ses maladies d’hivers, ses vacances scolaires (13/02 au 1/03) et autres absences de maîtresses qui nous ont empêché de publier autant d’articles qu’on le voulait. Mais on vous avait prévenu.

Une partie des stocks habituels…

Comme on a l’habitude d’acheter un peu plus de nourriture que nécessaires on a du stock. Et comme on va être plutôt sédentaires, on peut le faire durer. 30 jours minimum d’après un inventaire suivant la norme NF-UNM 00-001. Sans compter le stock lipidique que je trimbale avec moi tout le temps qui pourrait me faire tenir 40 jours.

Ben quoi ? On a le droit d’aimer les pâtes et pas faire attention s’il en reste avant de partir faire les courses non ?

Et après ?

L’épidémie suit son cours, comme tout le monde on suit les actualités et les chiffres. Si vous voulez notre avis, voici quelques articles sur le sujet.

COVID-19, Probabilités et Inférence Bayésienne

2 avril 2020 À force de voir des statistiques et des interprétations farfelues sur le COVID-19, je me suis dit que des explications sur les probabilités serait intéressant pour mieux comprendre le sens de ces chiffres et vous parler d’Inférence Bayésienne vous permettrait d’en sortir des conclusions plus intéressantes.

COVID-19, Jeux du Chaos

16 Avril 2020 Dans une vie précédente, j’ai eu l’occasion de tracer des figures fractales à base d’ADN. C’était passionnant et je me suis demandé ce que ça donnerait avec le génome du COVID-19 qui nous empêche de sortir de chez nous.