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Pour réduire ses impacts sur l'environnement, on se demande souvent quels choix faire et quelles technologies privilégier. La comparaison est difficile car elle dépend de nombreux facteurs difficilement généralisables.
La première fois que j’ai entendu parler de green computing, c’était lors de la soutenance d’un collègue étudiant vers 2005. En désactivant en temps réel des composants inutilisés du micro-processeur, il arrivait économiser au moins 10% d’énergie.
À l’époque, cynique, j’avais considéré ce côté écolo comme un buzzword pour récolter des subventions supplémentaires. L’économie réalisée étant surtout financière et destinée aux data-centers.
15 ans plus tard, en pleine marche pour le climat, je me rend compte à quel point ses avancées avaient un sens et je me pose aujourd’hui la question suivante :
L’informatique peut-elle être écologique ?

Préliminaires
La mesure et le calcul de l’impact de l’activité humaine sur l’environnement est compliqué. Parce qu’on ne peut pas tout mesurer, d’une part, mais aussi parce que les facteurs et les impacts sont très nombreux :
- Émissions de gaz à effet de serre (i.e. \(CO_2\)) direct et indirect,
- Utilisation de ressources non renouvelables (i.e. métaux, ressources fossiles),
- Traitement des déchêts renouvelables (i.e. eaux), et non renouvelables (i.e. nucléaire).
Pour éviter de se disperser et permettre une comparaison plus facile entre différentes activités, il est d’usage de réduire ces impacts en grammes équivalents carbone, ou \(g~eq~CO_2\). Pour simplifier l’écriture, les poids exprimés (grammes, kilos, ...) s’entendront ici en équivalent carbone.
Sources : Sauf contre indication, les valeurs que j’utiliserai sont issues de la base Bilan GES de l’ADEME qui synthétise l’impact sur l’environnement de nos activités humaines.
Par exemple, l’impact de la respiration humaine dépend de notre activité (sédentaire ou sportif) alors partons sur un taux de 0,75 g/m (grammes par minute) légèrement supérieur à slate et planetoscope mais qui est plus facile à retenir 😉.
Ce taux n’a d’utilité que pour le comparer aux autres activités car ces émissions par respiration sont en fait compensées par notre consommation de nourriture. Chaque atome de carbone rejeté dans atmosphère a en fait été capté dans l’année précédente par un végétal et sera capté plus tard pour être consommé ensuite. Ce cycle est plutôt court et globalement stable.
Les activités nécessaires pour apporter cette nourriture depuis le végétal dans notre assiette (ainsi que son éventuelle transmutation en viande) génère par contre un impact plus important. Le calcul de cet impact est utile pour déterminer notre impact individuel mais il sort du cadre de cet article.
Impact de l’informatique
Utilisation
Je vais donc m’attaquer à l’impact carbone de l’utilisation de nos équipements informatiques. Plutôt qu’un impact global, genre annuel ou par pays, j’aimerais obtenir un impact plus précis, par minute d’utilisation personnelle.
Et pour ça, il va falloir regrouper les données…

L’impact de l’énergie, dépend de la source utilisée. EDF fourni le détail pour chacune et, sans surprise, le plus gros impact vient des énergies fossiles (\(>1000~g/kWh\)), les énergies renouvelables sont plus vertueuses (\(<11~g/kWh\)) et le nucléaire est à part (\(4~g/kWh\)).
Et comme la production utilise plusieurs sources en même temps à des proportions qui changent tout le temps, il est plus intéressant de regarder le bilan global. Les données officielles d’EDF donnent un bilan global de \(26~g/kWh\) de moyenne sur les 15 dernières années, je vais donc partir sur ce chiffre.
La consommation d’énergie, dépend de ce qu’on fait avec l’équipement et de son efficacité énergétique. L’ADEME fourni un total (La face cachée du numérique) sur l’année par type d’équipement en se basant sur une utilisation de bureau (8 heures pendant 225 jours) compatible avec les puissances habituellement rencontrées.
Pour obtenir l’impact carbone à partir de la puissance, on multiplie l’impact de l’électricité, \(26~g/kWh\), par la puissance utilisée (en \(kW\), il faut donc diviser nos \(W\) par \(1000\)) et le temps (en \(h\), comme on veut une minute, il faut diviser par \(60\)).
Équipement | Puissance \(W\) | Impact \(g/m\) |
---|---|---|
Liseuse | 1 | 0,0004 |
Smartphone | 7 | 0,0030 |
Tablette | 16 | 0,0069 |
Portable | 50 | 0,0217 |
Écran | 15 | 0,0065 |
Ordinateur bureautique | 200 | 0,0867 |
Ordinateur jeux | 1000 | 0,4333 |
Kindle : La consommation des kindle est listée dans l’article What is the best device for reading in terms of CO2? pour \(0,7~W\). J’ai donc arbitrairement mis \(1~W\) pour donner une idée.
Écran : Pour la consommation des écrans, je part d’un écran de 24 pouces, soit \(1600~cm^2\) et une consommation autour de \(100~W/m^2\) (cf. Les numériques), soit \(16~W\).
Énergie grise
L’impact précédent est en fait incomplet car il ne tiens pas compte des impacts liés à la fabrication puis au traitement des équipements. Même si ces impacts se produisent avant et après l’utilisation de l’équipement, ils sont nécessaires à cette utilisation et sont donc habituellement réparti sur la durée d’utilisation.

La base bilan GES de l'ADEME fourni l'impact global de la fabrication et le traitement des équipements ainsi que son amortissement sur la durée d'utilisation via un impact par an. C’est tellement lourd que les impacts sont ici en kilogrammes.
Équipement | Impact \(kg\) | Amorti \(kg\) |
---|---|---|
Liseuse | 44 | 9 |
Smartphone | 32 | 16 |
Tablette | 70 | 23 |
Portable | 169 | 42 |
Écran | 265 | 40 |
Ordinateur bureautique | 189 | 32 |
Ordinateur jeux | 394 | 66 |
Comme je cherche l’impact par minute d’utilisation, j’aimerais pouvoir répartir cette énergie grise par minute également. Je vais donc envisager plusieurs scénarios :
- Régulière : les équipements sont régulièrement utilisés, autour de \(1~h/j\) en moyenne, soit \(365~h/an\). Ce qui correspond aussi à un joueur moyen (The State of Online Gaming).
- Professionnelle : je considère une utilisation pendant les heures de bureau, \(35~h/sem\), sans convention collective particulière, soit \(1607~h/an\).
- Intensive je considère que vous ne savez pas vous en passer, \(10~h/j\) tous les jours, soit \(3650~h/an\).
Le tableau suivant vous donne cette répartition de l’énergie grise par minute d’utilisation suivant les trois scénarios.
Équipement | Régulière | Pro. | Intensive |
---|---|---|---|
Liseuse | 0,411 | 0,093 | 0,041 |
Smartphone | 0,731 | 0,166 | 0,073 |
Tablette | 1,050 | 0,239 | 0,105 |
Portable | 1,918 | 0,436 | 0,192 |
Écran | 1,826 | 0,415 | 0,183 |
Ordinateur bureautique | 1,461 | 0,332 | 0,146 |
Ordinateur jeux | 3,014 | 0,685 | 0,301 |
En comparant avec l’impact lié à l’énergie d’utilisation (je vous laisse faire les calculs), l’énergie grise représente plus de \(90\%\) pour tous les matériels portables, dont liseuses, smartphones et tablettes. Pour ces trois dernières, la différence est telle que vous pouvez considérer que l’impact global est entièrement lié au cycle de vie.
Pour les ordinateurs, la proportion varie de \(90\%\) pour une utilisation régulière, entre \(60\%\) et \(80\%\) pour une utilisation professionnelle et descende à \(40\%\) pour une intensive. On pourrait croire que leur fabrication est plus écologique (puisqu’elle compte moins dans l’impact) mais en fait, c’est leur consommation d’énergie qui est en fait 15 à 1000 fois plus importante.
Assez intuitivement, plus votre équipement est petit, plus son impact l’est également, que ce soit son cycle de vie, ou son utilisation.
Comparer l’impact
Calculer l’impact carbone de l’informatique consiste a additionner les impacts des équipements utilisés. Vous pouvez utiliser mes tableaux suivants vos situations mais pour la suite, je vais prendre l’exemple, d’un PC fixe avec un écran.
Mais pour être juste, deux utilisations méritent d’être distinguées :
- Acquisition : L’utilisation justifie l’acquisition de l’équipement
- Mutualisation : L’équipement est déjà disponible.
Acquisition
Le premier cas se produit lorsque l’équipement a été acheté pour effectuer la tâche qu’on considère. Tous les usages professionnels entrent dans cette catégorie. Les utilisations familiales aussi lorsqu’elles sont à l’origine de l’achat.
Pour connaître l’impact carbone de votre utilisation, il faut additionner l’impact de l’énergie de fonctionnement et l’impact du cycle de vie (fabrication, traitement).
Impact | Écran | PC Fixe | Total |
---|---|---|---|
Fonctionnement | 0,0065 | 0,0867 | 0,0932 |
Cycle de vie | 0,4150 | 0,3320 | 0,7470 |
Total | 0,4215 | 0,4187 | 0,8402 |
Dans le détail, on remarque que l‘impact de l’utilisation d’un écran est très inférieure à celle d’un PC, normal puisqu’il consomme 6 fois moins d’électricité. Mais la balance s’équilibre entre les deux car l’écran est en fait plus lourd à construire et recycler.

Mutualisation
Ce deuxième cas se produit lorsque l’équipement a été acquis pour une utilisation mais que vous le sur-utilisez pour d’autres utilisations. Par exemple, un ordinateur professionnel sur lequel vous consultez, une fois à la maison, votre messagerie personnelle. Ou un ordinateur familial acheté par les parents sur lequel joue un enfant.
Dans ce cas, l’énergie grise n’entre pas en ligne de compte car il s’agit d’un coût irrécupérable. En effet, il n’est pas rationnel de répartir l’impact carbone sur ces utilisations puisque sans elles, l’équipement aurait quand même été acquis.
Dans notre exemple, vous n’auriez alors qu’un impact de \(0,0932~g/m\), soit \(11\%\) de l’impact si vous aviez dû acquérir l’équipement. Et en prenant un fixe performant avec deux écrans, un impact de \(0,4463~g/m\).
Exemple, liseuse ou smartphone ?
Lorsqu’on compare les impacts entre une liseuse et un smartphone, on constate rapidement que la liseuse a un impact largement inférieur au smartphone. La moitié concernant l’énergie grise, et un septième pour l’électricité. En partant sur une utilisation régulière de \(1h/j\), on obtient les impacts par minute suivants :
Impact | Liseuse | Smartphone |
---|---|---|
Fonctionnement | 0,0004 | 0,0030 |
Cycle de vie | 0,4110 | 0,7310 |
Total | 0,4114 | 0,7340 |
On serait alors tenté de conclure rapidement : Lisons sur liseuse plutôt que sur smartphone, l’impact en sera plus petit.
C’est tout à fait valable si vous êtes dans une boutique en train d’hésiter sur quel équipement acheter. Dans ce cas, si votre seule utilisation est de lire des ebooks et autres documents électroniques, la liseuse est le bon choix écologique.
Mais pour ceux qui ont déjà un smartphone et ne comptent pas s’en séparer, la balance s’inverse. L’énergie grise du smartphone est dans ce cas un coût irrécupérable ; qu’on achete une liseuse ou pas, l’impact restera le même. La question est alors de savoir si ajouter une liseuse, pour \(0,4114~g/m\), a un plus gros impact que sur utiliser le smartphone, pour \(0,0030~g/m\), et cette fois, la réponse est sans appel.
Conclusion
Assez intuitivement, plus l’équipement est petit, plus son impact l’est également. De même, mutualiser les ressources permet une baisse drastique de l’impact des utilisation supplémentaire puisqu’il n’est plus nécessaire d’ajouter de nouveaux équipements.
Le calcul précis de l’impact est faisable mais difficilement généralisable car il dépend de bien trop de facteurs comme le type de matériel, sa fréquence d’utilisation et de la nécessité de son acquisition. Par exemple, un employé du tertiaire avec un PC fixe et un écran génère \(0,8402~g/m\) d’utilisation.
Pour être complet, on pourrait aussi réduire cet impact en hiver car l’informatique participe alors au chauffage du bâtiment, et dans la même démarche, lui ajouter une partie des impact de la climatisation en été puisqu’ils ajoutent de la chaleur que la clim cherche à évacuer.
Pour revenir à la question initiale, l’informatique peut-elle être écologique ? voici quelques comparaisons :
- une lettre par la poste génère autour de \(20g\) d’équivalent \(CO_2\) (\(21,5g\) pour une lettre verte de \(20g\) entre Paris et Montpellier d’après le simulateur de la poste),
- un steak-frites dans votre assiette en a nécessité \(2,3~kg\) (d’après la base GES de l’ademe, un plat à base de viande, type steak-frite, génère \(15,59g\) par gramme de nourriture. Je part sur une assiette de \(150g\)), soit \(45h\) de bureautique,
- la combustion d’un moteur essence en génère \(95g/minute\) (pour une consommation de \(5l/100km\) à \(50~km/h\), soit \(833~m\)), soit \(1h50\) de bureautique. Une heure de trajet correspond à \(113h\) de bureautiques. Sans compter l’énergie grise de la voiture.
Donc oui l’informatique a un impact environemental, mais il reste bien en deça de nos autres activités. Si vous voulez réduire votre impact carbone, il y a d’autres priorités.